C'est bon?
Vous êtes encore là?
Y'a quelqu'un? Plus personne?
Ah, si, encore vous... Commençons.
Vous n'êtes pas sans savoir que dans le cigare, comme dans d'autres domaines, une bonne formation doit se faire le plus tôt possible, au risque de se retrouver en face de jeunes cons incultes pour qui les notions de respect vis-à-vis d'un savoir durement acquis ne seraient que trop méprisées. Et comme il n'est jamais trop tôt pour commencer, j'ai décidé de me mettre en quête d'un jeune élève à qui je pourrais transmettre ma science. Ah, les joies du professorat enfin à portée de main... pas besoin de passer l'agreg ou pire l'IUFM, ce nid de cancres au cheveux sales et aux ambitions limitées à un vulgaire "Je veux avoir toutes les vacances scolaires".
Me vient en tête immédiatement le fils de ma voisine du dessus. Ce petit trou du cul, à peine âgé de 6 ans avait besoin d'être remis sur le droit chemin et rien de mieux que le cigare pour y parvenir! Ça lui apprendra à me casser les couilles avec ces CD de comptines que j'entends depuis chez moi.
Autant dire que le dévouement est réel de ma part... Je me souviens encore, alors que l'on me demandait de faire un compte rendu sur la dégustation d'un cigare peu réputé pour sa qualité lors de ma journée chez Disney, ce que je disais sur les enfants.. et leurs idiots de parents:
"J'ai testé le José L. Piedra à côté des enfants.. et bizarrement, face à ces immondes mômes braillards, chialant de ne pas avoir eu la sucette Mickey tant convoitée par leurs mains crasseuses, leur toussotement provoqué par ce qui devenait soudainement à mes yeux une délicieuse fumée - d'aucun y verra un lien de cause a effet - n'avait d'égal que l'ire que l'on pouvait ensuite déceler dans le regard de leurs géniteurs en jogging, eux même tirant sur leur clope, ce qui paradoxalement ne les choquaient pas...
Bref.. que du bonheur"
Bref.. que du bonheur"
Me voilà allant d'un pas guilleret chez ma voisine. Je sonne. Elle ouvre:
"Bonjour Martine! Comment ça va?
-Euh, ça va bien (d'un air méfiant)
-Je viens vous emprunter le petit Jean-Baptiste...
-AH NON! La dernière fois qu'il est revenu de chez vous, il n'a pas arrêté de me réclamer un abonnement à Playboy! C'est vous qui les lui avait montré?
-Merde... (note pour plus tard, ne pas confondre Playboy avec Playmobil...).. Promis juré, ils seront tous mis sous clef...
-Et...
-Et? Ah oui, promis, je ne lui ferai plus la lecture de l'oeuvre intégrale d'André Gide..."
Je repars avec le gamin sous le bras.
Une fois arrivée chez moi, nous nous postons tous les deux en face de la cave à cigare que je fixe des yeux tout en lui disant ces quelques paroles rassurantes:
"Mon cher Jean-Baptiste, tu n'es pas sans savoir que depuis que ton père est parti avec un plombier polonais... oui, contrairement à ce que t'a fait croire ta mère, ton père n'est pas mort en donnant son foie à ton hamster anémique... donc depuis qu'il est parti, tout symbole représentant un tant soit peu l'autorité s'est évanoui. Mais tu as de la chance, je suis là pour y palier. Et le cigare va nous aider."
Vous l'aurez compris, tout ceci n'est qu'un prétexte pour parler d'une chose: comment qu'on fait pour fumer le cigare et ressentir tous ces merveilleuses saveurs que je lis dans l'Amateur de Cigare mais que je n'arrive pas à ressentir? Mais comment font-ils pour trouver des saveur de poivres roses du Cashmir? De panse de lièvre du Westershire (se prononce ouesh'sheure)? Ils font comment? Réponse: je ne sais pas, car moi, ma palette se limite à quelques saveurs que vous identifierez petit à petit. En général, ça tourne autour du crémeux, caramel, boisé, terreux, poivré, épice douce, vanille, miel, cuir, café torréfié, cacao etc. Tout est une question d'éducation du palais.
Avant tout, il ne faut surtout pas être obnubilé par la recherche des saveurs. Cet exercice, je le limite à des dégustations spécifiques, sur des cigares rares ou particuliers. De plus, si le cigare est bon, les mots viendront presque naturellement. Plus on fume, plus le palais s'éduque et décèle les goûts propre à un pays, une marque, un maitre de liga (c'est lui qui compose le cigare, à l'instar d'un vin).
Je vais un peu (même beaucoup) me la péter, mais je ne résiste pas au plaisir de vous conter cette petite anecdote qui s'est déroulée l'hiver dernier:
J'étais dans une soirée "cigares" avec quelques potes. Dégustation à l'aveugle. On nous distribue le cigare. La cape, la feuille de tabac qui entoure le cigare, essentielle car c'est souvent la vue de cette cape qui nous donne envie ou pas, était un peu rêche, mais rien de catastrophique. Je sens le cigare, peu d'odeur... Parfois quand on ouvre une boîte, un parfum s'exhale. Samedi dernier, on m'a ouvert un cabinet de double corona Saint Luis rey. Oh putain que ça sentait bon! Un mélange d'épice douces, de caramel et de cacao... Mais revenons en à cette soirée. Je le coupe, et procède au tirage à cru, il s'agit de pomper sur le cigare avant de l'allumer pour y déceler des saveurs. Parfois on y retrouvera des goûts similaires lors du fumage et parfois, ça n'a rien à voir... Quel intérêt? Aucun, ça fait parti du plaisir de manipuler le cigare, du rite que l'on veut y associer, dans cette recherche des saveurs... J'allume et commence le grand jeu de la devinette du cigare. Cigare cubain? Du Nicaragua? Ou Dominicain? Peut-être Honduras... Les suggestions pleuvent... Mon avis est fait: pour moi, c'est un cigare cubain, un Partagas, mais qui doit avoir 4 ou 5 ans... Arrive la fin de la soirée avec le résultat. Il s'agissait d'un cubain, un Partagas D2 EL... 2003. Comment j'ai fait? C'est simple. Y'a un truc que je reconnais souvent chez Partagas et que je n'ai jamais retrouvé ailleurs, c'est cette saveur de réglisse, et je l'ai tout de suite repéré dans ce cigare. Mais, côté puissance, c'était un peu mou, hors la marque Partagas est réputé justement pour sa puissance. Une seule conclusion: ce cigare devait avoir déjà quelques années... et comme Partagas est un cigare cubain, le terroir ne pouvait être que Cuba. Fortiche, n'est ce pas? Je ne me lasse jamais de raconter mon heure de gloire...
Cette histoire d'éducation du palais est essentielle. Quand je discute avec des "vieux" fumeurs de cigare, j'ai très souvent le droit à un "Cuba reste le top, le reste, j'y arrive pas" ou "En dehors de Cuba, c'est de la merde". Je le comprends. Quand tu as passé 20, 30 ou 40 ans à fumer des cubains, il est bien normal que le goût se soit habitué aux saveurs cubaines. J'ai de la chance, je suis arrivé à la dégustation du cigare au moment ou les autres terroirs ont commencé à exploser. Tout ça grâce aux USA et le "cigar boom" des années 90. A cette époque, la consommation du cigare est sorti du confinement dans lequel l'avait mis des années de procédures anti-tabac. Les producteurs de cigares ont suivi le mouvement avec une production en hausse en terme de volume, et ensuite en terme de qualité. Et justement, les cigares non-cubains, ont une qualité de construction franchement épatante. Alors que sur les cubains, tu peux tomber sur une buche infumable tellement il est serré, je n'ai JAMAIS eu ce problème avec les non-cubains.
De fait, aujourd'hui, ma cave est composé autant de cigares cubains que de cigares non-cubains, avec une vraie préférence pour le Nicaragua...
Alors n'hésitez pas et foncez faire votre éducation! Découvrez les cubains, les non-cubains, les marques différentes, leur typicité, etc. Faites votre propre palais, votre goût, échangez avec d'autres amateurs et SURTOUT n'ayez pas honte de ce que vous aimez. Vous ne serez pas déçu du voyage!
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