"Non chérie, je te rassure, il ne s'est rien passé avec Claude... c'était juste un soir, et en plus on avait bu... oui, on a fini au petit matin, mais je te jure, ça ne veut rien dire."
Voilà comment j'aurais pu résumer à ma femme ma fin de nuit avec Claude Brasseur...
Rembobinons un peu le magnétoscope (pour les plus jeunes, un magnétoscope était un appareil permettant de visionner des films sur des cassettes... et quand on faisait du téléchargement en pear to pear c'est que l'on avait simplement enregistrer sur cassette le film diffusé à la télé).
J'étais revenu en France pour quelques jours... des rendez-vous pour le boulot.
La soirée avait bien commencé, vers 21h. J'avais pu obtenir une place à la dernière minute pour une des très courues réunions du club "Pour une poignée de cigares" au cours de laquelle nous avions pu déguster un assez bon Por Larranaga Edition Régionale Asie-Pacifique (je crois bien un lonsdale). J'avais apprécié globalement le cigare, surtout la première moitié, puis la suite fut moins enthousiasmante, à l'inverse de la soirée qui s'avançait. Il était 23h.
Nous sommes restés avec quelques autres pour continuer la soirée après la réunion du club. Un peu de Coca, puis whisky, pour accompagner quelques autres cigares. Vers 2 ou 3h du matin, nous sommes allés dans une brasserie toute proche du boulevard Montparnasse pour se faire un frite-champagne (nul besoin d'expliquer ce que c'est...).
Mais j'avais un petit problème: l'heure avançait, je n'étais toujours pas couché et j'avais un rendez-vous le lendemain... euh, en fait le jour-même à 11h du matin.
Pour Jean-Philippe, qui me trainait dans la nuit depuis le début, aucun problème. Il suffisait de ne pas me coucher! D'autant qu'il avait l'intention de continuer la soirée au Babylone (un bar "after") et que ma compagnie n'aurait pas été de trop.
"Nicolas, il ne faut surtout pas t'endormir, sinon ça va être encore pire. Si tu restes sur ta lancée, tu seras relativement frais pour ton rendez-vous", m'assurait-il.
Je n'étais pas totalement convaincu, d'autant plus que j'étais convaincu que son "Babylone" se trouvait entre le 8ème et le 16ème arrondissement, alors que je devais repasser par le 5ème arrondissement pour me doucher et me changer... trop de trajets en si peu de temps.
"Mais le Babylone se trouve dans le 5eme..." dit-il.
Ok... c'est parti pour le Babylone.
Notre petit groupe s'était encore réduit à son strict minimum. Nous n'étions plus que trois et il était près de 6h du matin... enfin, je crois.
C'était ma première fois au Babylone. On va passer sur la déco qui pourrait même donner une crise d'épilepsie à un aveugle. Mais qu'est ce qui rend cet endroit aussi unique?
"C'est le seul endroit ou je me sens totalement tranquille, où je peux me lâcher en sachant qu'il ne m'arrivera rien... je peux laisser mon sac, mes affaires, jamais rien ne disparaîtra, l'accueil, l'ambiance, la tranquillité, tout est fait pour que je ne me soucis de rien...".... Ok je te fais confiance Jean-Philippe... et en plus il a quelques excellentes bouteilles de whisky à disposition... et que le Babylone était juste pour nous, les autres clients de la nuit n'étant pas encore arrivés.
Peu après notre arrivée, j'ai vu un homme rentré. J'ai très rapidement reconnu Claude Brasseur.
Je ne vais pas vous la jouer "J'avais toujours rêvé de rencontrer ce grand acteur, etc", non, ça n'est pas vrai. Je n'ai jamais fantasmé sur lui ou sur le fait de le rencontrer. Attention, ça ne signifie pas que je n'ai aucun respect ou estime pour son travail, bien au contraire! Je me souviens encore de son exceptionnel interprétation de Sganarelle dans le Dom Juan de Molière au côté de Piccoli... mais ça ne suffisait pas pour courir tout Paris afin de le croiser à la sortie des théâtres. Pour être tout à fait honnête quand je l'ai vu, la première personne à qui j'ai pensé, c'est Pierre Bénichou.
Jean-Philippe connaissant Claude Brasseur, il l'a invité à notre table.
J'ai donc passé le reste de la nuit à discuter avec Claude (oui, forcément, maintenant je ne l'appelle plus que par son prénom).. un Claude qui était déjà arrivé passablement imbibé et que notre table plein de bouteille de Whisky n'allait pas arranger. Nous avons discuté de tout (surtout de théâtre, de son amour de la langue française, etc) et de rien (un peu de moi...), j'ai pu constaté que malgré nos verres qui se vidaient et la nuit qui avançait, son regard restait pourtant toujours aussi claire et vif... et c'est lorsqu'il nous a imiter Michel Bouquet que j'ai compris ce qu'était un acteur:
Un acteur, c'est un mec qui complètement bourré peu se mettre à parfaitement jouer un mec totalement sobre.
Je cherchais un moment pour placer Bénichou dans la conversation, et c'est Claude qui me l'a offert lorsqu'il nous expliquait comment il n'arrivait plus à se servir des nouveaux téléphones... j'ai sauté sur l'occasion en disait "Comme Pierre Bénichou, il le raconte parfois à la radio...". A ce moment-là, son regard s'est illuminé et a dit avec plein d'émotion et de fierté: "Pierre Bénichou, c'est mon meilleur ami."
Dans cet élan, on sentait tout l'amour qu'un homme peut porter à celui qu'il considère comme un frère. C'était simple, vrai et émouvant.
Bref, je n'oublierais pas ni sa gentillesse, ni sa modestie et encore moins sa simplicité... je pourrais ainsi raconter à mes enfants cette anecdote totalement véridique: "J'ai eu Claude Brasseur qui m'a tenu le bras, m'a regardé droit dans les yeux et m'a dit "je reviens, je vais pisser"".... ce à quoi ils me répondront "Mais c'est qui Claude Brasseur?"
Je suis finalement sorti du Babylone à 9h du matin... le soleil était levé et Paris s'agitait déjà depuis un bon moment. Je suis rentré prendre une douche, m'habiller pour mon rendez-vous...
Mais mon histoire n'est pas tout à fait finie.
Dans la nuit d'après, j'ai envoyé un mail à l'émission de radio sur laquelle passe Pierre Bénichou au côté de Ruquier, le seul moyen pour moi de lui faire passer un message tout simple: l'émotion d'un petit gars comme moi à entendre Brasseur dire de tout son coeur son amour pour son meilleur ami. C'était tout.
Le lendemain matin, je reçois un coup de téléphone: "Bonjour, c'est Laurette d'Europe1, on a reçu votre mail et l'on souhaiterais que vous passiez dans l'émission de Ruquier"... Le reste c'est sur ce lien... entre 5mn15 et 7mn30:
http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/On-va-s-gener/Sons/On-va-s-gener-!-09-11-11-808577/
bien sympathique!
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